

Éditeur : B. Arthaud, 259 Pages. Couverture de Roger BEZOMBES, Ouvrage orné de 169 Héliogravure.
<< Cher Pierre Borel, je ne me guiderai plus sur la Côte que d'après votre livre charmant, où le texte se fait discret et pourtant essentiel. >>
<< Il y a dans votre très beau livre sur la Côte d'Azur des paysages de l'Odyssée. >>
<< Je considère votre description de l'Estérel comme un véritable chef-d'œuvre de style et de topographie. >>
Ce beau pays, en raison de son voisinage avec les rives italiennes du golfe de Gênes, s'est d'abord appelé la Riviera, mais ce nom, qui ne disparaîtra pas parce qu'il chante bien, a rétrocédé dans l'usage devant une appellation plus récente et plus évocatrice : c'est aujourd'hui, pour le monde entier, la Côte d'Azur, le Royaume de l'Azur.
Car telle est bien sa caractéristique : l'Azur y règne ; il y tient en maître incontesté l'empire du ciel, pour déployer sur nos têtes ses tons les matinées d'hiver jusqu'aux soies opulentes et lourdes des mois chauds ; il tient également sous ses caprices le bleu << toujours recommencé >> de l'onde méditerranéenne.
Les trônes peuvent s'écrouler, d'autres régimes inventés par les hommes peuvent chanceler, la royauté de l'azur demeure inébranlable. Ce beau domaine est connu et admiré du monde entier : de partout, ces pèlerins dilettantes qu'on nomme aujourd'hui des touristes partent pour le visiter et n'aspirent ensuite qu'à y revenir. Mais il s'agit d'un succès relativement récent. Du temps de Louis XIV, on s'intéressait à Nice pour raser des fortifications gênantes aux portes du royaume. Les Ducs de Savoie, devenus rois de Sardaigne, ne cherchaient au Sud des Alpes qu'un débouché sur la mer : dès qu'on leur eut donné Gênes, ils oublièrent leur domaine << niçard >>.
Nos ancêtres ne se doutaient nullement qu'un jour la carte du globe serait sillonnée par des << itinéraires touristiques >>. Ils ont connu d'abord le chemin de la migrations, dont ils ont fait, pour des raisons inhérentes à la déplorable nature humaine, la route des invasions et des conquêtes.
Ils ont connu les routes des pèlerinages, celles des épices, de l'or, de l'ambre, du sel, des fourrures. La route de l'Azur, qui mène de l'Ile-de-France à la << section terrestre du paradis >>, n'est célèbre que depuis le dernier quart du XIXe siècle.
Parmi les causes déterminantes de cette ascension féerique, qu'il nous soit permis de mentionner d'abord le romantisme, qui, sans créer le goût des paysages, a cependant puissamment contribué à faire aimer les charmes de la nature par une société encore toute pénétrée des abstractions classiques.
C'est l'exode vers l'Italie qui fait découvrir certaines parties de la Provence à quelques gloires des lettres françaises et avant elle, il faut bien le dire, à quelques écrivains anglais tels que Smollett qui, dès 1763, découvrait le comté de Nice et en donnait la première description pittoresque.
Les relations de voyage, avec Millin et tant d'autres, se multiplient au début du XIXe siècle. Le mouvement est donné : rien ne l'arrêtera plus, et il faut mettre ici en évidence, après l'action sentimentale du romantisme, l'action décisive qu'a exercée, dans le domaine matériel, le développement des moyens de transport : au fur et à mesure que les déplacements devenais plus faciles, le rivage méditerranéen voyait affluer les visiteurs, et c'est proprement vers le milieu du XIXe siècle, lorsque la voie ferré atteint Toulon, puis Cannes, puis Nice, que l'âge d'or s'ouvre pour les stations du Sud-Est. Par la suite, il n'est pas un progrès de circulation automobile qui ne soit traduit par un nouvel afflux vers ce coin fortuné de la Belle France.
Aujourd'hui, la voie ferrée déverse sur la côte de Provence un véritable fleuve humain. La route voit passer des cortèges de voitures privées et de cars, partis des points les plus éloignés de France et d'Europe ; les scooters s'insèrent dans la fil ; les voies de l'air fournissent un appoint important.
C'est ainsi que nous sommes entrés dans une des phrases les plus intéressantes de l'évolution exceptionnelle de cette région.
La qualité, l'origine des visiteurs ont subi de profonds changements : on a vu disparaître certaines colonies, telle la russe, complètement absente depuis la première guerre mondiale. La colonie américaine, en revanche, tient la première place. Les Anglais, qui ont joué un rôle, primordial dans l'essor de Cannes, ont vite retrouvé le chemin de leur station favorite dès que les contraintes financières qui entravaient leurs déplacements ont été allégées.
Durant la saison d'hiver 1953-1954, sur 51 000 touristes reçus à Cannes, il y avait 39 000 Français ,3 400 Anglais, 4 500 Américains, 2 090 Suisses, 2 170 Belges.
Tous cela, on le devine, a entraîné de nettes transformations dans l'économie du pays : des hôtels ont dû fermer, faute d'étrangers en nombre suffisant ; des palaces ont été convertis en appartements particuliers, sans que cela empêche l'édification en copropriété d'immeubles neufs et la construction de belles villas ; des cités de bungalows ont été créées en peu de temps en des points où la pinède était reine ; le Touring Club de France a édifié des Villages de Vacances ; par les soins apportés à l'organisation des Villages de toile, dans les environs d'Hyères, de Cavalière, aux portes de Saint-Raphaël, à la Napoule, dans l'ancien terrain de golf, non loin de la Siagne, à Juan-les-Pins... la Côte d'Azur est devenue, l'été, le paradis des campeurs.
A tous, elle dispense ses joies innombrables.