Oeuvres Alpines, Théodore Camus
Présentation du livre
Résumé
Jean Landru, s.d., 246 p.
Introduction de A. Poidebard,
Récits de montagne de la fin du XIXème siècle
Des Dolomites à l'Oisans, de la Belledonne au Weisshorn, de la Grande Maison à l'Aiguille de Charmoz, l'auteur nous fait participer à ses émotions au contact de la montagne, par beau temps ou en hivernale.
Quelques lettres
Ces récits sont complétés par une sélection de lettres adressées à sa famille ou à des amis, comme par exemple cet extrait:
Leysin, 12 novembre 1892.
C'est chose merveilleuse que cette Dent du Midi si changeante que, depuis mon arrivée, elle n'a jamais eu deux fois le même aspect. Le soleil, les nuages, la pluie, toutes les colorations du jour et de la nuit, tous les souffles de l'air ont fait de cette jolie mon- tagne un jouet docile et qui se plie à leurs caprices. Aujourd'hui il a plu presque toute la journée; les montagnes sont restées à peu près invisibles; mais, à 5 heures, une trouée s'est formée à droite, du côté de la Savoie et, en même temps, la Dent du Midi s'est montrée entière, à l'exception de la base du pic qui était entourée d'une ouate blanche très légère. Les sept dents étaient d'un noir sombre taché de blanc semblaient perdues très haut dans les nuages gris foncé, tandis que les vallées avaient pris déjà leur bleu de nuit si profond. Tout d'un coup, par cette petite trouée qui se formait, quelque chose d'incandescent, qui n'était pas le soleil mais un reflet éblouissant comme une fournaise, est apparu un instant. Alors un rayon vint frapper l'ouate floconneuse accrochée aux flancs de la dent, et cette ouate devint subitement toute rose, d'un rose très fin et très tendre, mais très ardent malgré cela, car tout le reste était gris... Et c'était une chose incomparable que de voir sur le ciel sombre et lourd cette Dent sévère, sombre aussi, revêtue de glace livide, encerclée de cette couronne de roses! Cela m'enivrait positivement, j'aurais voulu m'élancer, crier, appeler, trouver quelqu'un à qui montrer cela... Trente secondes se passèrent, puis, le rose perdit son éclat, le reflet s'éteignit, l'ouate pâlit et reprit une teinte de plomb: c'était fini!