Oeuvres en Prose, Edgar Allan Poe

Traduction de Baudelaire 

Suivie de Traduction Nouvelles par Francis Ledoux 

De même que nous devons nous débarrasser des enseignements de la psychologie classique pour comprendre l'onirisme caché qui inspire les créations littéraires d'Edgar Poe, de même il faut, avant de porter un jugement sur sa vie, écarter les principes de la morale traditionnelle. Seulement aujourd'hui, peut-être, à cause des progrès immenses accomplis par les sciences de l'âme humaine, une lecture libre et complète de la vie et des œuvres d'Edgar Poe est devenue possible.

Un des premiers biographes et critiques français du poète, Emile Lauvrière, dont les ouvrages, écrits dans les premières années de ce siècle, se lisent toujours avec intérêt, avait été frappé, à juste titre, par un trait fondamental de la psychologie de Poe : son incapacité à se fixer durablement dans des situations pourtant avantageuses. On sait que Poe vécut dans une misère à peu près constante; on sait moins qu'il eut mainte occasion d'y échapper — qu'il occupa, par exemple, à quatre reprises, comme nous le verrons, des fonctions importantes dans des revues littéraires, jusqu'à celle de rédacteur en chef - et que, quatre fois de suite, il abandonna ces fonctions, pour des raisons qu'il revient à la perspicacité du biographe d'élucider. Lauvrière, qui écrivait à une époque où l'explication des écrivains par la pathologie était en pleine vogue, crut avoir trouvé le motif : Poe buvait outre mesure, et quand il était en proie à une crise d'alcoolisme particulièrement aiguë, il se livrait à de telles inconséquences, que ses direc-leurs devaient le congédier.

Exemplaire Numéroté : 

12166