Le Destin Tragique de Guillaume de Cabestan le Troubadour, Emile Escallier

Exemplaire Numéroté : Numéro 543

C'est une histoire bien scandaleuse que celle de Guilhem de Cabestang; car dans le monde singulier où vivent et chantent les troubadours, c'est la seule fois qu'un mari jaloux ait tué le poète qui chantait sa femme. Voilà pourquoi, sans doute, cette histoire a fait tant de bruit depuis le XIIIe siècle, et tout concorde, dans ses détails, à inspirer aux lecteurs le sentiment de réprobation vis-à-vis du mari jaloux et par là-même scandaleux.
En fait, quand on parle des troubadours et des dames qu'ils ont chantées on se pose rarement cette question pourtant bien naturelle: que pensaient, que faisaient les maris de ces dames? Trois hypothèses se présentent alors à notre esprit: ils étaient absents, c'est-à-dire en pèlerinage, à la croisade, en expédition militaire, en chasse (et qui va, dit-on, à la chasse, perd sa place); ils étaient ignorants — ce qui arrive encore à bien des maris et qui sont ainsi les plus heureux -; ils étaient consentants, ce qui était sans doute le cas le plus fréquent, consentants et flattés de voir chanter par des poètes attachés à leur cour la beauté de la femme dont ils étaient les possesseurs légitimes, sentiment tout naturel et bien plus intelligent, somme toute, que celui de la jalousie.