Le Bien rêver, Marcel Bealu

Pendant longtemps la vie me semble avoir été comme un vase vide où durant le jour s'entremêlaient mille échos discordants de rumeurs confuses. L'eau du sommeil seulement pouvait le remplir, eau de silence où s'épanouit la suprême réalité de cette fleur merveilleuse: le rêve.

Il n'en est plus tout à fait de même aujourd'hui. Aussi le temps est-il venu de rassembler, avec l'idée d'en finir une bonne fois, les notes écrites en marge des quelques ouvrages que m'inspirèrent principalement les images du sommeil. Qui n'eut envie, un jour ou l'autre, de s'expliquer? Qu'il soit impossible de le faire sous la poussée de l'inspiration prouve que ce n'est pas lui-même que l'écrivain raconte, mais autre chose, cette autre chose que je voudrais en même temps essayer de définir ici en démontrant le mécanisme de sa création.

Il est bon de se méfier du scintillement nocturne de l'esprit.

L'obscurité, l'immobilité du corps, le silence, produisent dans le cerveau une sorte d'ébullition qui peut se confondre avec l'inspiration. Mais se lève-t-on pour essayer de fixer, en les notant, ces chatoiement du demi-sommeil et les merveilleuses bulles éclatent en pluie si fine qu'on en rechercherait en vain, sur le papier, la trace. Rien ne se refroidit plus vite que les rêves.