

Éditions : Armand Duchâteau
Année : 1990
Pages : 135 P.
AVANT-PROPOS
HISTOIRE D'UNE COLLECTION
ART ET SYMBOLISME
HISTOIRE DU ROYAUME
TECHNOLOGIE ET DATATION
NOTICES (CATALOGUE DES CEUVRES)
NOTES
GLOSSAIRE
BIBLIOGRAPHIE
Dans nos publications, les arts de l'Afrique noire ont été abordés principalement du point de vue plastique et éclairés par diverses réflexions dans les domaines de l'esthétique, de l'histoire de l'art, de l'anthropologie et parfois même de la psychanalyse.
Aujourd'hui, grâce aux recherches et au vaste travail de synthèse du professeur Armand Duchâteau, nous avons l'occasion d'appréhender des œuvres représentatives des arts de l'ancien royaume du Bénin dans leur contexte historique et sociologique. Il nous a semblé fructueux de saisir l'opportunité de l'étroite collaboration offerte par le Museum für Völkerkunde de Vienne, avec l'aimable concours du docteur Lorenz Homberger, conservateur au Rietberg Museum. Ainsi peut être admirée une collection prestigieuse dont quelques chefs-d'œuvre sont déjà connus de nos lecteurs (des plaques en bronze, pages 9, 51 et l'une des figures de nain, page 12). Ces étranges petits personnages de la cour sont représentés dès 1668 sur la fameuse gravure d'Olfert Dapper Le Bénin où ils avancent parmi les musiciens et les meneurs de léopards royaux (page 15). Les figures de nains en bronze de la collection du Museum für Völkerkunde s'accompagnent ici d'une révélation majeure : des analyses récentes (page 117) fournissent une datation-repère, entre 1200 et 1400 A.D., ce qui les rendrait contemporaines de l'apogée des arts d'Ife. La question de l'influence de la culture d'Ifè sur les bronzes du Bénin et des formes qu'elle a empruntées a été maintes fois abordée. Bien qu'elle soit légitimée par les mythes et par l'histoire, cette influence n'est pas unanimement admise Quoi qu'il en soit, la figuration des nains (pages 12, 16) semble être le fruit d'une longue tradition qui privilégia le naturalisme. Chez l'un et l'autre personnage, la conception est équilibre et harmonie. Le souci du détail transparaît dans le traitement des pieds, dans celui des mains et dans la sensuelle rondeur du ventre. L'allusion pleine d'humour à ce qu'il y a de profondément humain sous l'apparence à peine grotesque ne pouvait être dissociée du personnage, de son attitude et de son habit, symboles de sa fonction à la cour.
La tendance au naturalisme sur laquelle s'appuie la conception des têtes commémoratives (pages 28 à 39) mais aussi celle de quelques insignes de dignité (pages 88, 89) empruntent parfois, comme l'ont souligné William Fagg et Margaret Plass*, les voies du baroque ; ainsi sont nées des œuvres foisonnant d'éléments décoratifs dont la valeur symbolique connote essentiellement le pouvoir politique et spirituel de l'oba.
Les artistes, maitres de la technique de la fonte à cire perdue, ont fixé dans le bronze, sous forme de bas reliefs, des scènes et des rites de la vie quotidienne à la cour des oba. Les plaques dont le style n'a subi au cours des siècles que peu de variations thématiques, conservent et perpétuent toute une culture. La densité du sujet, la précision des gestes des personnages concentrent l'œuvre sur une idée essentielle et sur un environnement immuable qui assurent la valorisation de l'oba en tant que monarque et en tant qu'être suprahumain. Aussi la description iconique qui articule le passage de l'oralité aux modes de représentations plastiques reproduit-elle la structure du discours historique et social. Un exemple des plus significatifs est celui de la plaque reproduite ci-contre: les personnages traités en haut-relief occupent une position précise et codifiée: ils sont centrés sur un axe et les tailles accusent une forte disproportionnalité. Cet effet permet d'accentuer, par rapport à ses compagnons; l'importance du personnage central, l'oba guerrier brandissant une épée. Cette composition qui, faute de perspective semble fondée sur le respect de la disproportionnalité, ne doit pas être interprétée comme une maladresse mais comme un indice révélant l'objet du discours; celui-ci est régi par des règles qui introduisent la dimension hiérarchique et sacrée de la figure centrale. Ces plans, outre le contenu thématique propre qu'ils contiennent, sont en relation d'énonciation avec d'autres plans: en effet, la juxtaposition de plusieurs plaques - elles étaient d'ailleurs conçues dans cette optique de linéarité pour orner les pilastres du palais - permettrait de constituer une sorte de frise développant un discours dont ne nous restent que des bribes et l'image de quelques acteurs: messagers, guerriers, portefaix, musiciens ou Portugais.
Ces mêmes motifs ciselés sur l'ivoire des trompes (pages 40, 42) et des bracelets (page 85) s'enchainent en structures narratives. Ce processus qui est fondé essentiellement sur la répétition et la contiguïté des motits fait apparaitre le lien maintenu avec les formes du récit oral. En outre, le discours originel qui légitime les pouvoirs multiples de l'oba, sous-tend les figures, en particulier celles d'un vaste bestiaire qui sont les signes d'une alliance mythique.
Nous remercions messieurs Hans Manndorft, directeur du Museum für Volkerkunde de Vienne et Armand Duchâteau, conservateur en chef: ils nous permettent de découvrir ces Trésors royaux qui, par leur rare perfection, occupent une place privilégiée dans les arts dits "classiques" de l'Afrique noire.