

Éditions : Presse Universitaire de Grenoble, PUG
Année : 2016
Pages : 341 P.
Je dédie ce livre à Marcel Albert-Brunet, mon grand-oncle, fusillé par les nazis à 20 ans, le 31 juillet 1944 dans le Vercors, et à Robert Hugonnard, mon parrain, monté en Chartreuse au même moment pour continuer le combat de libération jusqu'en Allemagne.
Ce livre s'adresse en priorité à mes enfants Étienne, Raphaël, Anne-Adaye, Solène, Gabrielle; à Emawaych; à mes filleuls Mehdi, Thibault, Roxanne, Samuel et Nolann, et à toutes les jeunes générations: qu'en toutes circonstances, elles œuvrent à la paix, à la liberté et au respect des différences, quelles qu'elles soient; que chacun et chacune veille et se batte afin que le pouvoir ne soit jamais capté par une idéologie déshumanisante, meurtrière et totalitaire.
Avec cet ouvrage, la collection « Résistances» propose un travail sur la Résistance en Chartreuse et ses avant-pays issu du mémoire de l'Institut d'études politiques de Jean-Philippe Landru, trente ans après sa soutenance sous la direction de Pierre Bolle et Jean Godel, universitaires spécialistes de l'histoire de la Résistance régionale.
L'intérêt de cette recherche est triple: à une époque où les archives écrites étaient encore souvent dispersées et lacunaires, Jean-Philippe Landru a appuyé sa recherche sur un travail minutieux de collecte de témoignages d'acteurs importants de la Résistance, aujourd'hui pratiquement tous disparus.
Il ne s'agit pas de sacraliser le témoignage, dont tout historien sait qu'il est toujours une reconstruction, mais l'auteur a pu les confronter aux apports des recherches menées dans les années 1990-2000 et en garder toute la richesse humaine qu'on ne trouve pas toujours dans les archives.
Le deuxième intérêt du livre découle de cet apport de témoignages: c'est une œuvre de micro-histoire sur une région complexe, moins connue que le Vercors, une vallée très circulante, des petites communes et bourgs d'avant-pays, et un massif difficile d'accès. Le jeu d'échelles de l'étude met en valeur la diversité des lieux et milieux où se développe la Résistance, la violence généralisée du printemps 1944 et questionne quelques représentations, sur les maquis notamment.
C'est enfin une œuvre de jeunesse, engagée, d'un homme qui n'est pas devenu historien, mais que son histoire familiale et ses rencontres avec d'anciens résistants ont profondément marqué et guidé dans sa démarche.
Cet ouvrage est celui d'une vie.
En 1983, lors de ma dernière année d'économie financière à Sciences Po Grenoble, j'ai choisi de m'inscrire dans un séminaire d'histoire contemporaine. Et j'ai indiqué à mes professeurs, Pierre Bolle et Jean Godel, que je souhaitais mener un travail de recherche sur la Résistance dans mon pays natal, la Chartreuse et le Voironnais. Eux-mêmes cherchaient depuis des années un étudiant pour défricher ce sujet complexe. Alors que j'avais l'âge des jeunes de l'époque (20 ans), une question à laquelle je voulais me confronter me taraudait: qu'aurais-je moi-même fait dans de telles conditions? Dans ma soutenance, dont voici un extrait, j'essayais d'expliquer ma démarche et ma méthode: « [Durant ce travail,] j'ai moralement et intellectuellement vibré avec les résistants de Chartreuse, dont j'ai partagé les peurs, les révoltes et les souffrances. [....] Ma recherche m'a conduit à la rencontre de gens extraordinaires, aux idées et aux conditions sociales fort diverses: militaires, industriels, notables locaux, pédagogues, ouvriers, paysans ou retraités.
Ils m'ont tous fortement impressionné par leur générosité, leur maturité, leur sensibilité et leur ouverture d'esprit. Je tiens à leur dire une nouvelle fois ici ma reconnaissance car ce sont eux qui sont à la base de cette étude. L...] On peut réellement parler de "maquis" au sens premier du terme quant à la densité, l'obscurité et l'enchevêtrement de la matière sur laquelle j'ai travaillé. Comme me l'a confié le général Le Ray lors de l'échange que j'ai eu avec lui au cours de la réunion des anciens de la compagnie Stéphane à laquelle j'ai été convié,
"le Secteur Il est le secteur de l'Isère le plus difficile à étudier" car il n'a pas réellement été pris en main par un chef avant le 6 juin 1944 [date du débarquement de Normandie)... Les témoignages oraux enregistrés d'une trentaine de résistants ont été quasiment ma seule source (exception faite du travail des deux historiens Paul et Suzanne Silvestre, qui ont défriche la question de la résistance dans l'Isère)...»