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Éditions : Librairie de France
Année : Inconnue
Pages : 460 P.
PAR ALEXANDRE
ZEVAES - HENRI MALO
ANATOLE DE MONZIE - JEAN HERITIER LEOPOLD MARCELLIN - PIERRE BERNUS
LEON MIRMAN - RENE JOHANNET
AUGUSTE CAVALIER - ALBERT MARTY
Il existe, sur la Troisième République, plusieurs histoires générales et de très nombreux ouvrages particuliers, en vertu de la loi établie par Cournot et soulignée par M. Jacques Bainville, dont un récent article de la Revue Universelle rappelait « que les faits historiques les moins anciens paraissent toujours les plus importants, à tel point que le temps qu'ils ont mis à s'accomplir paraît toujours plus long »(1).
L'histoire la plus proche est ainsi la plus chargée de détails, et, par là-même, exige un plus grand nombre d'exposés. Mais la multitude ou, plutôt, la multiplicité des documents et des récits est faite pour dérouter la plupart des lecteurs. Comment choisir parmi tant de textes? Et comment, au milieu d'une pareille abondance, retenir ce qui vaut vraiment la peine d'être retenu ?
Incertitude qui a pour résultat, étant donnée la naturelle paresse de l'esprit humain, fille de la tendance au moindre effort, cette forme organique de l'inertie, que l'on se décourage, d ordinaire, assez vite d'étudier l'histoire contemporaine. Celle-ci a ses spécialistes et même ses maniaques. Dans l'ensemble, néanmoins, elle est mal connue. On a sur elle, des souvenirs plus ou moins déformés, chacun étant enclin à regarder, selon ses désirs et ses passions, ses espoirs ou ses regrets, une époque à laquelle il est mêlé. Une connaissance méthodique du passé immédiat exige trop de temps et de soins, pour être entreprise par le commun des hommes. Et c'est ainsi que l'ignorance de ce passé trop peu lointain fait le scandale des historiens, et suscite l'ironie des littérateurs.
A cette ignorance on a tenté de porter remède. L'Histoire de M. Gabriel Hanotaux, sur les douze premières années de la Troisième République, est un admirable instrument de travail. Il faut avouer, toutefois, qu'elle est trop développée pour le grand public. La seule période s'étendant de 1871 à 1882 demande quatre tomes, les quatre de l'ouvrage entier, qui font près de trois mille pages in-octavo. C'est beaucoup pour les non spécialistes, encore que la lecture de cette œuvre ne manque ni de facilité ni d'attrait. Les tomes septième (en sa dernière partie) el huitième de l'Histoire de France contemporaine d Ernest Lavisse, dus à M. Charles Seignobos, constituent, eux aussi, un exposé documentaire des plus précieux. Mais leur auteur, prisonnier de son goût exclusif pour l'évolution des partis politiques et pour les textes officiels, mérite parfois le grave et, dans l'ensemble. peut-être trop sévère reproche qu'en sa Décadence de la Liberté lui adresse M. Daniel Halévy : « C'est se moquer, c'est confondre l'histoire d'un pays avec l'histoire de ses paperasses » (2). Et
M. Halévy ajoute : « Comment cela est-il arrivé ? M. Charles Seignobos raconte l'événement avec détails, je veux dire la chronique de l'événement. Il n'explique Raconter les évènements n'est qu'un des objets de l'histoire, et M. Seignobos lui-même le sait qui renonce parfois à ses préjugés de scientiste grignoteur d'archives, pour tenter une explication et un jugement. Expliquer et juger sont plus importants encore que narrer, car l'histoire est non seulement récit, mais critique.
Que serait une critique bornée au résumé ?
Un effort critique sérieux est, en général, accompli dans la grande Histoire de la Nation française, parue sous la direction de M. Hanotaux. Néanmoins, la partie de cette histoire consacrée à la Troisième République offre, comme toutes les autres, pour qui cherche un tableau d'ensemble, l'inconvénient d'être distribuée par matières. M. Hanotaux a lui-même étudié la Politique de 1870 à 1920; M. Georges Goyau, l'Histoire religieuse; le général Mangin, l'Histoire militaire et navale ; M. René Pinon, la Diplomatie et les Colonies. Etudes de premier ordre, mais où la disposition du plan général ne va pas sans nuire au développement naturel et logique des faits. Ceux-ci, qu'ils soient politiques, religieux, militaires, diplomatiques ou coloniaux, s enchaînent et se pénètrent les uns les autres. Le plan chronologique reste le moins imparfait. Nous y sommes demeurés fidèles.
D'autre part, il existe, jusqu' ici, sur la III Troisième République, de nombreux essais dont les plus célèbres sont les Scènes et Doctrines du Nationalisme de Maurice Barrès, le Kiel et Tanger de M. Charles Maurras, l'Explication de notre Temps de M. Lucien Romier, La Fin des Notables et cette Décadence de la Liberté de M. Daniel Halévy, Trois Crises de M. René Gillouin, Les Intellectuels et la Troisième République de M. André Bellessort, La Grande Peur des Bien-Pensants de M. Georges Bernanos. Et même, à leur propos, il convient d'exprimer regret que, dans le même genre, qui n'est pas celui de l'histoire proprement dite, mais de la philosophie politique ou sociale, ou même de la grande polémique partant de l'histoire," aucune apologie républicaine ne soit opposée à ces réquisitoires, dont les auteurs n'appartiennent, parfois, à aucun parti politique. Le sujet était pourtant fait pour tenter des écrivains de valeur comparable, mais fidèles au régime. A ces réquisitoires passionnés, mais de grand style, des réfutations aussi brillantes eussent été de premier intérêt. Les livres de M. Emmanuel Berl ne dépassent pas la diatribe partisane, d'inspiration cartelliste. Alain fait de la littérature sur la politique, avec autant de maîtrise dans la forme que de sophistique superficielle dans l'exposé des idées. Le régime ne peut-il donc être défendu que par la creuse rhétorique des politiciens ? Le silence d'avocats dignes de ce nom est redoutable pour un accusé. Car Traditionalisme et Démocratie de M. Dominique Parodi est de l'ordre des discussions générales, et ne s'attache point, sinon par allusions, aux faits particuliers à la Troisième République. Le Tableau des Partis en France de M. André Siegfried, La République des Professeurs de M. Albert Thibaudet exposent, sans vouloir prendre parti. Le silence des critiques susceptibles de défendre la République est assurément fâcheux pour elle. Les phrases ne prouvent rien. Il n'est de critique et d'histoire que dans l'ordre des idées et des faits.