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Éditions : Hachette
Année : 1913
Pages : 828 P.
C'EST le chant des oiseaux et le chant de l'Internationale ; autrefois ce n'était que le chant des oiseaux, Je ne sais pas si tout progresse, mais tout se complique. Le Premier Mai n'avait qu'une manière d'être : il en a deux ; nos neveux lui verront trois : le Premier Mai se bariole. Autrefois il était la fête du printemps définitivement conquis et sans crainte de retour offensif de l'hiver; il était la fête des fleurs; il était l'avènement et l'intronisation de Floréal; il était le retour des brises molles et douces. Maintenant il est toujours cela; car les hommes ne peuvent rien changer à l'ordre des saisons et, comme dit Buffon, aux « époques de la nature »; seulement, tout en restant ce qu'il a toujours été, il est en outre autre chose. Il a deux visages comme janus, qui pourtant préside, non au mois de Mai, mais au mois de Janvier; il a deux masques comme le théâtre antique : le souriant et le tragique.
C'est une vieille discussion que celle qui roule sur la prononciation du mot Mai. Presque tout le monde le prononce très ouvert, comme le mot mais ; les puristes veulent qu'on le prononce très fermé, comme rimant, précisément, avec le mot fermé. Eh bien ! le mois de Mai moderne donne raison aux puristes: il est beaucoup moins ouvert qu'il n'était jadis et il a le visage un peu fermé et contracté.
Pourquoi ? Parce que, depuis quinze ans environ (quinze ans? vingt ans? on vieillit si vite!), une partie de la nation ouvrière des divers pays européens a décidé de faire grève générale le Premier Mai de chaque année. En soi, quoique gênant, cela n'a pas un très grand inconvénient. C'est un jour de congé que S'accorde toute la classe ouvrière. Vive la classe ! Étant prévenu, chacun prend ses précautions la veille; de manière à pouvoir manger ce jour-là; de tout le reste on peut se passer, même d'aller à son bureau,, pour suppression des moyens de locomotion.