

Éditions : Rieder
Année : 1932
Pages : 60 P.
Elle est femme, homme, androgyne, bête, plante, pierre, insecte, reptile, oiseau, spectre. Elle est déesse et garce. Prison et délivrance. Orchésis, saltatio, danza, dance, tanétz, Tanz, baile, ballo, elle a un nom dans chaque langue.
Dans le labyrinthe des symboles sanscrits, où le moindre geste de doigts a une signification inattendue, tel ou tel mouvement représente l'idée de la Création; exécuté dans le sens inverse, il sert d'image de la Destruction. Pas, gestes, attitudes, figures constituent toute une hiéroglyphie tracée dans les airs et parfois figée dans la pierre. La moudra, l'art des gestes, compose une écriture sacrée.
La vie et la mort des dieux, des humains et des bêtes se déroulent dans ce labyrinthe. Shiva le destructeur se démène dans la danse.
— Que Shiva, Maitre de l'Univers et de la Danse, soit clément pour loi / disent les danseuses hindoues, en saluant le spectateur.
Bras assouplis, poignets tordus, jambes pliées, hanches cambrées, genoux écartés subissent de multiples métamorphoses.
Jambes, bras, mains, cou, dos évoquent des formes familières aux Indes. L'épaule et le bras transposent dans le monde de la danse la trompe de l'éléphant. Le bras prend l'aspect de la cime du palmier. La main se fait fleur de lotus. Les jambes s'écartent, se plient et s'assouplissent dans des attitudes simiesques. Les poignets en mouvement s'adonnent à des jeux de reptiles.
Le corps se fait plante, singe et serpent. Les pas, entremêlés dans des rythmes complexes, font tressaillir des formes vivantes.
Ces aspects se multiplient et se transforment dans les danses
cambodgiennes, siamoises et malaises.
Au fronton d'un temple khmer, à Angkor-Thom, neuf apsaras, nymphes célestes, dansent en file de serpents. Le torse incliné, une hanche cambrée, les jambes violemment écartées, un pied posé sur la demi-pointe, de l'autre touchant le talon du premier, elles avancent en flexions rythmées. Les bras se bercent dans des balancements, les mains s'épanouissent en fleurs de lotus, le genou droit d'une danseuse touche la hanche gauche de l'autre, sa main droite effleure le sein gauche de la suivante, dans cette chaine des nymphes-danseuses, des femmes-serpents, des serpente du ciel qui portent au cou, enroulés, de véritables serpents et qui, toutes les neuf, composent un serpent bombé.