

Éditions : Hachette et Cie, Librairie
Année : 1883
Pages : 312 P.
Ouvrage Illustré de 60 Vignettes par A. Jahandier
TROISIÈME ÉDITION
ILLUSTRÉE DE 39 GRAVURES DESSINÉES SUR BOIS
PAR A. JAHANDIER
Antiquité des puits forés. — Origine des sources. - Infiltration de la mer. — Chaleur centrale. - Notions géologiques. — Nappes d'eau souterraines. - Lac de Zirknitz. - Source de Sablé. - Le Frais-Puits. — Nappes d'eau superposées. — Explication du phénomène des puits artésiens.
Les usages de l'eau sont si nombreux et si variés, son utilité au point de vue de l'agriculture et de l'industrie tellement incontestable, que l'on comprend sans peine toute l'importance qui s'attache aux procédés artificiels au moyen desquels on est parvenu à reproduire l'action bienfaisante des sources et des fontaines.
Dans un grand nombre de localités il existe, à certaines profondeurs, des nappes d'eau souterraines qu'il suffit d'atteindre par un forage pour obtenir souvent des jets abondants et élevés.
Ces fontaines jaillissantes, creusées par la main de l'homme et alimentées par des eaux venant d'une grande profondeur, portent le nom de puits artésiens.
En France, c'est dans l'ancienne province d'Artois qu'on parait s'être le plus spécialement occupé de la recherche des eaux souterraines; de là le nom de puits artésiens donné aux puits forés.
La découverte des puits de cette espèce est d'ailleurs très ancienne, et un écrivain qui florissait à Alexandrie vers le milieu du sixième siècle, Olympiodore, rapporte que des puits creusés dans l'oasis, à des profondeurs variables de 200 à 500 coudées, lançaient par leurs orifices des rivières d'eau dont les agriculteurs profitaient pour arroser les campagnes.
Les Chinois, qui nous ont précédés dans un grand nombre d'inventions, connaissent les fontaines jaillissantes depuis des milliers d'années.
Dans les nombreux forages qu'ils avaient l'habitude d'exécuter pour aller chercher des sources salées à 400 ou 500 mètres de profondeur, ils ont dû nécessairement opérer quelquefois sur des terrains d'une structure géologique appropriée à la formation des fontaines jaillissantes.
En France, le plus ancien puits artésien connu date, dit-on, du commencement du douzième siècle. Il existe à Lillers, petite ville du Pas-de-Calais, dans l'ancien couvent des chartreux.
Les habitants du Sahara connaissent depuis longtemps les puits forés, ainsi que l'indique le passage suivant, extrait des Voyages de Shaw : « Ces villages, situés fort avant dans le Sahara, n'ont ni sources, ni fontaines.
Les habitants se procurent de l'eau d'une façon fort singulière. Is creusent des puits à 100, quelquefois à 200 brasses de profondeur, et ne manquent jamais d'y trouver de l'eau en grande abondance. Ils enlèvent, pour cet effet, diverses couches de sable et de gravier, jusqu'à ce qu'ils trouvent une espèce de pierre qui ressemble à de l'ardoise et que l'on sait être précisément au-dessus de la nappe d'eau souterraine. Cette pierre se perce aisément, après quoi l'eau sort si soudainement et en si grande abondance, que ceux qu'on tait descendre pour cette opération en sont quelquefois surpris et suffoqués, quoiqu'on les retire aussi promptement qu'il est possible. »
La découverte des puits forés remonte donc à une époque assez reculée, mais elle resta à peu près stérile jusqu'au jour ou les progrès de la science permirent d'expliquer dans ses moindres détails le merveilleux phénomène des eaux jaillissantes.
Cette explication fut d'ailleurs précédée de théories fort ingénieuses et fort compliquées dues aux idées émises par Aristote et ses disciples sur l'origine de l'eau des sources et des fontaines. Comme ces idées ont joué jusqu'au dix-septième siècle un rôle important dans l'explication d'un grand nombre de phénomènes naturels, il ne sera peut-être pas inutile de faire connaitre celles qui se rapportent plus spécialement au sujet qui nous occupe.
La présence de l'eau dans les puits à une certaine profondeur au-dessous du sol avait conduit à admettre que la mer avait dù se répandre par voie d'infiltration dans l'intérieur des continents et y former à la longue une immense nappe liquide; dans son trajet à travers les terres et les roches, l'eau perdait entièrement sa salure, de telle sorte qu'en un point quelconque du globe on devait nécessairement tomber sur une couche d'eau douce lorsque, dans le percement d'un puits, on arrivait à une profondeur précisément égale à la hauteur du sol au-dessus du niveau de la mer.