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Éditions : Bordas
Année : 1968
Pages : 573 P.
En abordant le septième et le huitième volume de cette collection d'histoire, le lecteur sera sensible aux changements qu'ils présentent par rapport aux volumes précédents. L'étude du XVIIIe et du XIXe siècle ne pouvait être menée de la même façon que dans ces derniers, sous peine de publier des ouvrages monstrueux. Les périodes abordées à partir du XVIIIe siècle bénéficient d'une documentation riche et variée; elles sont relativement bien connues de tout lecteur intéressé par l'histoire. Jamais notre collection ne s'est proposée de tout dire et de tout traiter; à partir du volume VII, il est devenu impossible de tout évoquer avec la même densité de texte et d'images, et, bien souvent, l'image n'est plus seulement un complément illustré du texte qu'elle appuie; accompagnée d'un commentaire, elle suggère ce que le texte, faute de place, ne pouvait même aborder.
Pour l'essentiel, le texte est consacré à ce qui fait l'originalité de cette période : l'entrée du monde dans l'âge de la Révolution industrielle, le bouleversement universel des sociétés.
L'Europe y est encore traitée de façon privilégiée : elle a été l'initiatrice de ces progrès décisifs; la supériorité technique qu'elle en a tirée lui a permis d'achever la conquête du monde. Consacré à l'analyse des modifications économiques, politiques et sociales qui n'ont épargné aucun continent, le texte ne pouvait servir à certains développements familiers ou pittoresques. On s'étend peu, dans ces volumes, sur les détails de la vie des cours européennes ou les débats parlementaires de la Ille République et de l'Angleterre victorienne; on n'y a pas entrepris non plus une chronique minutieuse des exploits de la Grande Armée. Mais l'humain, le concret n'ont jamais été sacrifiés.
Complétant l'analyse des structures sociales, de nombreux documents permettent de caractériser la vie à Versailles, à Londres, à Vienne ou à Paris pendant ces deux siècles. Des portraits accompagnés de légendes très fournies permettent, à travers quelques vies exemplaires, d'atteindre les hommes de ce temps dans leur intimité. Documents et cartes de synthèse permettent enfin d'évoquer aussi bien les combats de l'Europe napoléonienne que les conditions concrètes de la vie industrielle moderne.
Se répondant et se complétant, textes, cartes et photographies accompagnées de leurs légendes nous font finalement saisir dans son originalité cette période de deux siècles où est né le monde moderne, celle où l'humanité, selon le mot d'un anthropologue, « rompt les amarres qui l'attachaient encore au Néolithique ».
«Il apparaît de mieux en mieux aujourd'hui que la puissance créatrice du XVIIIe siècle — qui assura le triomphe définitif de la société capitaliste sur la société féodale — ne se manifesta pas seulement dans l'Angleterre de la « révolution industrielle » et dans la France de la révolution politique, mais sur l'ensemble de l'Europe et de ses annexes américaines.
Immense domaine où, à partir de 1732-1734 au moins, et surtout après 1760, la poussée des forces de production, en interaction constante avec le renouveau démographique et la disponibilité de main-d'œuvre; l'activité commerciale sans cesse élargie, en interaction constante avec l'exploitation coloniale mieux assurée; la hausse des prix généralisée, en interaction constante avec l'extraction de l'argent à meilleur marché et avec la multiplication de signes monétaires nouveaux; le jeu même, enfin, des cycles et intercycles de crise agricole, accumulèrent les profits aux mains de classes limitées, mais entreprenantes, suggérèrent les initiatives économiques, les inventions, les applications techniques, poussèrent au renversement des rapports sociaux profonds et, par là même, aux luttes sociales fécondes, aux nouveautés politiques, aux audaces spirituelles — en bref firent du XVIe siècle un siècle révolutionnaire par excellence, une phase où le rythme historique s'accéléra. »
(Pierre VILAR : La Catalogne dans l'Espagne moderne, 1962, t. II, p. 9).