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Éditions : Paris Chez Firmin Didot Frères, Fils et Cie, Libraires
Année : 1865
Pages : 719 P.
Suivies Des Œuvres Poétiques
« Malherbe apprit à la France ce que c'était que la poésie, et parvint à contenter l'oreille, ce juge délicat et sévère.
Il inventa l'art d'écrire avec pureté et bienséance, montra que l'éloquence prend sa source dans le choix des pensées et des paroles, et prouva que souvent l'heureux arrangement des choses et des mots est préférable aux choses' et aux mots eux-mêmes. J'avoue que Philippe Desportes laisse apercevoir quelques-unes des intentions et, pour ainsi dire, quelques-uns des traits du dessin de Malherbe; que son style vieilli est soumis à un rythme moderne, et renferme un agrément et une délicatesse qui ne peuvent appartenir qu'à notre siècle ou à celui qui l'a précédé; mais ses beautés, en petit nombre, étouffées d'ailleurs par la multitude de ses défauts, ne doivent être regardées que comme l'effet du hasard; et l'art n'existe pas où règne l'arbitraire. Malherbe, au contraire, toujours égal, n'a pu s'élever si haut sans s'être imposé des règles certaines.
Doué d'un goût pur et délicat, difficile pour lui-même, un peu trop sévère peut-être pour les autres, il réforma et dirigea l'esprit de ses contemporains avec tant de bonheur, qu'on peut le regarder comme le maître de cette foule d'auteurs distingués qui font aujourd'hui la gloire de la France. A considérer la beauté de ses ouvrages, et non leur étendue, personne n'a rendu plus de services que lui aux lettres françaises; et tandis que les grands écrivains de l'antiquité n'ont brillé que dans un genre, puisque Virgile est abandonné de son heureux génie lorsqu'il écrit en prose, et Cicéron de son éloquence lorsqu'il fait des vers, Malherbe a obtenu le double titre d'excellent poète et d'habile prosateur. »
Ce jugement, prononcé par Balzac *, adopté par ses contemporains, confirmé par Boileau, respecté par la postérité, nous dispense de tout autre éloge. Il ne nous reste qu'à rendre compte du matériel de l'édition que nous offrons aujourd'hui au public.
Elle ne contient pas toutes les Œuvres de Malherbe, et cependant elle est plus complète qu'aucune de celles qui ont paru jusqu'à ce jour.
La première, publiée en 1630, deux ans après sa mort, par son cousin François d'Arbaud, sieur de Porchères, à qui il avait confié ses manuscrits, renferme la traduction du Traité des Bienfaits de Sénèque ' , celle du XXXIIIe livre de Tite-Live; les lettres diverses, et les poésies.
L'année suivante vit paraître la seconde édition dans le même format que la première 3
Ménage fit imprimer les œuvres de Malherbe en 1666 et en 1689, avec un commentaire fort étendu sur les poésies.
Ce commentaire, surchargé quelquefois d'érudition, nous a fourni un très-grand nombre de notes propres à faire ressortir les beautés du texte, ou nécessaires à son intelligence; il fut réimprimé en 1723 par les frères Barbou, qui y joignirent les remarques de Chevreau 4.
Saint-Marc, en 1757, a publié les poésies seulement 5 et les a accompagnées de quelques observations empruntées pour la plupart à Ménage. Des indications de date, des rectifications de texte, qui ont dû nécessiter de nombreuses recherches, donnent quelque prix au travail de ce savant et laborieux éditeur. Cependant nous devons faire remarquer ici que Saint-Marc, dominé peut-être parle désir de prouver qu'aucune littérature n'était étrangère à Malherbe. a cité comme ses modèles des auteurs italiens qui n'écrivirent qu'après lui.
Depuis, on a vu reparaitre sous divers formats les œuvres de notre poète, et toujours d'une manière incomplète. L'édition la plus récente contient, il est vrai, sa correspondance avec Peiresc, mais elle manque de correction : l'éditeur, qui a ignoré le vrai nom du frère de Peirese, qui a pris Besançon pour Byzance, n'a cité les traductions de Malherbe que pour leur refuser toute espèce de mérite. Ces inadvertances et quelques autres qu'il nous serait facile de signaler ont fait perdre à cette édition le caractère monumental qu'on croyait lui avoir assuré.
Il ne s'agissait donc que de rassembler tout ce qui pouvait caractériser ce grand écrivain, et faire connaitre l'étendue et la flexibilité de son talent; c'est pour atteindre ce double but que nous réunissons ici :
1° Les mémoires de Racan sur la vie de Malherbe. Ces mémoires offrent quelques négligences de style; mais ils sont l'ouvrage d'un contemporain, d'un disciple, d'un ami de Malherbe, et portent l'empreinte précieuse du temps, qu'une simple notice ne saurait reproduire.
2° Les poésies de Malherbe avec les commentaires de Ménage et les remarques de Racan, Chevreau, Saint-Marc, etc. Nous avons recueilli, en forme de variorum, toutes les observations utiles faites sur ce grand poète, et dans la classification de ses poésies nous avons suivi l'ordre adopté par tous les écrivains de l'antiquité, parce que cet ordre, en réunissant sous un même titre les poésies du même genre, est à la fois le plus naturel et le plus commode pour le lecteur.
3° Un choix de ses lettres diverses. Celles adressées à Louis XIII, à M. de Termes, à M. de Mentin, à Racan, à madame la princesse de Conti, méritent une distinction particulière. C'est dans la dernière surtout que Malherbe, s'élevant à la plus haute éloquence, a imprimé à la prose française le même mouvement, le même nombre, la même énergie qu'il avait donnés à la poésie.
4° Un extrait de sa correspondance avec Peiresc, composé de tout ce que cette correspondance offre de plus intéressant sur l'histoire, les mœurs et la cour, pendant les vingt-cinq premières années du dix-septième siècle.
On y trouve quelques lettres inédites, dont les manuscrits sont à la Bibliothèque du roi.
5° Ses observations critiques sur le texte du XXXIIIe livre de Tite-Live. Elles sont pleines de justesse et de goût, et prouvent en même temps la sagacité et l'érudition de Malherbe.