- Nouveau

Éditeurs : A. Vromant et Cie
Année : 1894
Pages : 315 P.
A Mon Fils Édouard
André Chénier
Si l'on déterrait, demain, à Athènes, un temple peuplé de splendides statues du temps de Périclès, il semble que les catholiques devraient prendre quelque souci d'une aussi étonnante découverte. Ils auraient à se demander si ces statues ne révèlent pas quelque trait inconnu de ces mythes antiques, où tant de vérités primitives ont été mystérieusement conservées; ils auraient probablement à flétrir quelque impureté nouvelle d'une religion où l'impureté a tenu tant de place; ils auraient certainement à constater, une fois de plus, comment ces admirables artistes entendaient l'expression de la Beauté, et quel idéal ils s'en faisaient. Eh bien! ces vers inédits d'André Chénier que son neveu vient de publier, ces beaux vers sont comme un groupe superbe de statues grecques qui serait. soudainement découvert au fond de quelque Parthénon inconnu. La comparaison nous parait des plus exactes, et André Chénier doit être surtout considéré comme un sculpteur d'Athènes au cinquième siècle avant Jésus-Christ. Ce n'est pas un Français, ce n'est même pas un Latin : c'est un Grec. C'est un contemporain de Phidias égaré parmi nous, et ses yeux, qui n'ont jamais regardé des églises, étaient naïvement occupés à chercher des temples. On n'a jamais si parfaitement vécu en dehors de son temps et de sa race ; on ne s'est jamais « extériorisé » à ce point. C'est la merveille de cette vie et le caractère de ce génie.
Un jour, cependant, ce grand poète avait élevé son regard au-dessus des élégants horizons de l'Attique ; un jour, il avait trouvé celte définition de la Poésie, où passe je ne sais quel souffle chrétien et moderne :
L'Art des transports de l'âme est un faible interprète ; L'Art ne fait que des vers : le cœur seul est poète'.
Mais, quoi qu'on en ait pu dire, de telles élévations, de tels coups d'aile sont rares dans l'œuvre d'André, et il retombe bien vite dans ses vallons païens.