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Éditions : Paris
Année : Inconnue
Pages : 558 P.
Du jour ou la France, ayant pris pied dans le nord de l'Afrique, eut entrepris, puis achevé la conquête de l'Algérie, sa domination future, sous une forme ou sous une autre, sur la Tunisie et le Maroc, apparut à tout esprit investigateur de l'avenir comme une nécessité inéluctable.
En effet, la sécurité de ses possessions nouvelles en pays d'Islam ne permettait, sur d'indécises frontières, ni l'installation d'une grande puissance, ni le maintien d'une endémique anarchie, d'où pouvaient à toute heure surgir de redoutables complications, particulièrement au cours d'une guerre européenne.
Pour que la préfecture romaine d'Afrique, terre d'élection allongée entre la fraîcheur des eaux et la fournaise des sables, connût au vingtième siècle la paix française, il fallait, sans nul doute, que le drapeau tricolore flottât seul des Syrtes à l'Atlantique.
La conquête de l'Algérie et de l'Oranie dura cinquante années, au cours desquelles les mêmes timidités, les mêmes hésitations, les mêmes inquiétudes que celles de l'heure présente faillirent vingt fois compromettre le but où tendait la destinée de la France. Cette tâche finie, le patriotisme alors méconnu d'un homme auquel, sur ce point, l'avenir rendra justice entière, greffa fermement en face de l'Italie le protectorat de la France sur l'indolente Tunisie. Le commencement du siècle vit ensuite les canons modernes faire crouler au sein du Sahara les murs d'Insalah la mystérieuse qui se dressaient comme un défi, ainsi que ceux d'une forteresse de rêve au fond d'espaces inaccessibles; et bientôt, des courriers partis de l'Équateur, terminant dans Alger leur longue mais pacifique chevauchée, apprirent au monde que le grand Désert, gratté par le coq gaulois, était dompté et soumis.
Alors, souveraine incontestée au Nord, au Sud et à l'Est, la France se vit en face du problème occidental le plus grave de tous, puisque son inconnue ne peut se dégager que de la domination de six millions d'hommes, insoucieux de notre civilisation, ignorants de tout joug, amoureux de ce que notre décadence comprend de moins en moins : la prière du croyant et la mort du soldat, qui toutes deux ouvrent les portes de la félicité éternelle. Ce problème, écarté à plusieurs reprises, réclamait enfin une solution; car, d'autres, cherchant sur la carte du monde des pays inexploités, pour y déverser la pléthore de leurs citoyens et de leurs produits, s'apprêtaient à le résoudre en dehors de nous, et, sous peine de déchéance, la France ne pouvait permettre à quiconque de substituer à la barbarie voisine une organisation redoutable sur une frontière de trois cents lieues. C'est alors, qu'en présence de la répulsion nourrie par la France moderne contre l'idée de guerre et de conquête armée, seul moyen pourtant légué par l'histoire pour l'absorption des peuples primitifs, un parti politique inventa le mode d'action qui prit le nom de pénétration pacifique.